DEMAIN LA REVANCHE
Texte de Sébastien Thiery
Mise en scène Ladislas Chollat
Théâtre Antoine
Septembre 2022
Scénographie Emmanuelle Roy
Costumes Jean-Daniel Vuillermoz
Lumière Alban Sauvé
Musique originale Frédéric Norel
Avec : Gaspard Proust, Jean-Luc Moreau, Brigitte Catillon
Construction du décor JIPANCO
Réponses aux questions de Jean Talabot pour l’Avant Scène Théâtre :
-Y’a-t-il des règles impératives à suivre dans la conception d’un décor aussi codé que l’intérieur bourgeois ? Et -Comment avez-vous imaginé celui de « Demain la revanche »
Je ne pense pas qu’il y ait des règles impératives pour traiter un décor scénique aujourd’hui. Néanmoins il est vrai qu’une comédie dans un intérieur bourgeois nécessite en général d’être représentée dans un séjour, éventuellement une salle à manger, espace de représentation qui permet de « se montrer » et de déclencher la parole qui sera le nœud de l’intrigue. La porte d’entrée est elle aussi indispensable, pleinement visible, rarement en off. Des découvertes permettent d’évoquer le reste de l’appartement et, de fait, sa superficie qui contribue à créer de l’action hors plateau. Cela dit les codes seraient vraisemblablement les mêmes dans un intérieur plus populaire, si ce n’est que l’action pourrait plus facilement se dérouler dans une cuisine, le séjour pouvant être plus réduit voire inexistant. Finalement ce sont des considérations sociologiques très intéressantes à discuter en amont. Le tout est de déterminer d’où la parole va émerger.
Néanmoins, tout dépend sous quel angle le texte est abordé.
Dans un premier temps, la notion d’intérieur bourgeois n’a pas été un fil conducteur dans les discussions que j’ai pu avoir avec Ladislas Chollat quand nous avons essayé d’insuffler une direction. Je dirais même qu’au départ nous avons essayé de le contourner, de l’oublier. Nous nous sommes d’abord focalisés sur l’écriture même de Sébastien Thiéry, dans ce qu’elle contient de décalé, de provocateur. L’esprit de la Bande dessinée a été un fil conducteur dans la conception du projet, d’où l’esprit pop dans la décoration de l’appartement, le choix des couleurs vives et franches, proches des couleurs en quadrichromie des «comics », la présence de tableaux contemporains dont l’ un évoque l’univers de Roy Lichtenstein, et l’autre dans la gestuelle de l’ expressionnisme abstrait d’un rouge éclatant. Enfin la juxtaposition des espaces, le séjour, le couloir, l’intérieur et l’extérieur de l’appartement, évocation des cases de bandes dessinées. Une vue de dessus de la salle de bain était à deux doigts de voir le jour! …. Mais l’encrage de cette histoire dans une évidente bourgeoisie nous a rattrapé, et en effet il a été nécessaire de marquer leur aisance sociale pour légitimer l’affrontement avec leur fils et rendre crédible la requête qu’adresse Matthieu à ses parents.
-Contrairement à d’autres formes de théâtre, le décor d’une comédie de moeurs ou de boulevard doit être forcément réaliste ?
Il s’avère qu’il
s’agit très souvent de situations dans un cercle familial, avec des actions
concrètes qui supportent difficilement l’absence de réalisme tant dans l’espace
que dans les accessoires. La gestuelle des comédiens souvent quotidienne a besoin
d’un soutien concret pour les aider et rendre la satire plus savoureuse. Cependant,
Ladislas a souhaité dès le début que le décor évolue, et nous avons opté pour
un glissement transversal de l’appartement, ce qui permet de découvrir le
séjour dans un deuxième temps. Nous avons choisi de casser le code du décor
bourgeois fixe et déplacer l’action. C’est pourquoi nous commençons le
spectacle sans tout dévoiler mais seulement le couloir de l’appartement et les
parties communes de l’immeuble, avec une porte d’entrée au premier plan (le
code voudrait qu’elle soit au lointain). Celle-ci dans son mouvement de
translation passera en off dans les deux tiers restants du spectacle. Je dirai
en conclusion que ce décor a une base réaliste mais qui a été distordue pour
amener cette étrangeté propre à l’écriture de Sébastien Thiéry.